Le collectif

Qui sommes-nous ?

Les chercheuses et chercheurs de « Connus à cette adresse » se sont rencontrés autour d’un objet commun de recherche – la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale – venant d’horizons différents, et avec une expérience plus ou moins ancienne sur le sujet. Mélange des générations, échanges de savoir-faire, lectures croisées. Au fil des rencontres et des échanges, sources, méthodes et regards critiques ont été confrontés.

Chacun et chacune déploient ses analyses à partir de robustes enquêtes empiriques, c’est un autre point commun à nos travaux. Celles-ci se frottent à des méthodologies différentes – utilisation de témoignages, construction de cartes et de bases de données à partir des sources consultées, suivis de trajectoires en mobilisant une grande diversité d’archives, notamment dans des fonds indépendants de la persécution.

Enfin, nous travaillons tous avec l’espace qui n’est pas seulement un outil pour mettre en valeur les logiques d’action des acteurs, mais un vecteur d’explication des agissements et par là-même, un vecteur d’analyse. L’observation se situe à la croisée des configurations de l’espace à plusieurs échelles et des dynamiques sociales repérées afin d’éclairer la persécution, ses mécanismes et ses conséquences, au quotidien et dans l’espace urbain ordinaire, avant, pendant et après la disparition des Juifs (arrêtés, déportés, exécutés, expulsés ou enfuis) de leur lieu de résidence. Cette approche nous conduit à mener nos chantiers de recherche de l’immeuble à l’agglomération, et de Paris – ville d’Europe de l’Ouest qui abritait le plus de Juifs dans les années 1940 – jusque dans les Balkans et en Union soviétique.

Les membres

Isabelle Backouche

Isabelle Backouche est directrice d’études à l’EHESS (Centre de Recherches historiques). Historienne, ses recherches portent sur le changement urbain en articulant transformations sociales et matérielles de la ville. Dès son premier ouvrage, issu de sa thèse (La Trace du fleuve. La Seine et Paris, 1750-1850, Ed. de l’EHESS, 2000 [rééd. 2016]), elle construit ses analyses en prenant en compte la dimension spatiale des logiques d’acteurs, et en ayant soin de leur donner la parole à tous. Ces exigences heuristiques fondent l’histoire urbaine qu’elle pratique. Ses récentes enquêtes portent sur le terrain parisien, notamment sur l’îlot insalubre n° 16 au sud du Marais. Elle scrute les motivations de cet aménagement urbain sous Vichy, montrant que la transformation de la ville ne peut être isolée de contextes multiples, qu’ils soient politiques ou esthétiques (Paris transformé. Le Marais 1900-1980 : de l’îlot insalubre au secteur sauvegardé, Creaphis, 2016 [rééd. 2019]).

Aujourd’hui, avec Sarah Gensburger et Eric Le Bourhis, elle enquête sur le vaste transfert d’appartements des familles juives locataires à Paris sous l’occupation, une spoliation relativement méconnue qui a eu pour conséquence la disparition de l’ancrage parisien des familles juives délogées. Par ailleurs, elle poursuit un travail d’histoire sociale sur la Zone autour de Paris au 20e siècle.

Shannon Fogg

Shannon Fogg est actuellement professeure d’histoire au département d’histoire et de sciences politiques de l’Université de science et de technologie du Missouri. Ses recherches ont porté sur l’histoire de la vie quotidienne en France pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle s’est particulièrement intéressée à l’interaction entre les préoccupations matérielles (nourriture et logement) et l’exclusion des Juifs dans les milieux ruraux et urbains. Ces thèmes font partie de ses deux livres, The Politics of Everyday Life in Vichy France (2009) et Stealing Home (2017). Ses projets les plus récents ont porté sur la géographie de la Shoah à Paris ainsi que sur les réseaux internationaux d’aide humanitaire. Elle a bénéficié de bourses de l’United States Holocaust Memorial Museum, de la Société philosophique américaine et de la National Endowment for the Humanities. En 2018, elle a été professeure invitée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et en 2021, elle a été une résidente à l’Institut d’études avancées de Paris.

Sarah Gensburger

Sarah Gensburger est directrice de recherche au CNRS. Ses recherches se situent au croisement de l’histoire de la Shoah et de la sociologie de la mémoire. Elle a commencé à travailler sur l’espace parisien à travers l’étude des camps annexes de Drancy et de la mémoire de ses anciens internés, Images d’un pillage. Album photographique (Paris, 1940-1945) (textuel, 2010). Depuis, au croisement de l’histoire urbaine et de l’histoire de la persécution, et avec Isabelle Backouche et Eric le Bourhis, elle travaille sur les enjeux autour du logement qui ont accompagné et suivi la mise en œuvre de la persécution antisémite à Paris. Elle conduit également un chantier personnel sur le rapport des habitants d’un quartier aux événements et périodes de crise, de la Seconde Guerre mondiale aux attentats terroristes, sur lesquels elle a notamment publié Mémoire vive. Chronique d’un quartier (Bataclan, 2015-2016) (Anamosa, 2017).

Cyril Grange

Cyril Grange est directeur de recherche au CNRS (Centre Roland Mousnier, UMR 8596 – Sorbonne Université). Il travaille principalement sur l’histoire sociale et économique de la grande bourgeoisie juive à Paris (XIXe – XXe siècles). Cette thématique l’a notamment conduit à s’intéresser à l’anthropologie de la parenté et à participer étroitement à l’élaboration du logiciel Program for the Use and Computation of Kinship Data (www.kintip.org, www.kinsources.org). En 2016, il a publié Une élite parisienne : les familles de la grande bourgeoisie juive (1870-1939) (Paris, CNRS Editions). Il mène actuellement une recherche sur les mécanismes de spoliation puis de restitution des biens des élites juives parisiennes entre 1940 et aujourd’hui.

Hilary Handin

Hilary Handin est doctorante en études françaises et en histoire à New York University. Ses recherches portent sur la Seconde Guerre mondiale, la Shoah, et la sortie de guerre en France, ainsi que les déplacements de populations, la mémoire collective, et les formes d’écriture de l’histoire. Sa thèse, « Four Families in Exile: A Sociopolitical History of Expulsions from Alsace and Moselle, 1939-1950, » analyse les choix fait par des expulsés et des autorités locales françaises lorsqu’elles ont confronté les conséquences de l’expulsion en zone libre d’environ 200,000 Mosellans et Alsaciens par les Allemands (1940-1941). Elle travaille aussi sur les conflits sociaux entre Parisiens juifs et non-juifs dans l’immédiat après-guerre, notamment autour de la question du logement. Son article « Réinsertion des juifs parisiens après la Shoah. Le cas du 66 rue Boulanger, 1944-1946 » (Histoire urbaine, n° 62, décembre 2021) croise des sources judiciaires et policières, associatives, et préfectorales pour étudier les logiques de la réintégration de locataires juifs dans des locaux qui avaient été reloués à des non-juifs pendant l’Occupation, ainsi que les stratégies judiciaires et populaires mobilisées par ces derniers pour s’opposer à la réintégration.

Laurent Joly

Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS (Centre de recherches historiques, EHESS), est spécialiste de la Shoah en France et du nationalisme français. Il a notamment publié L’Antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944) (Grasset, 2011), Naissance de l’Action française. Maurice Barrès, Charles Maurras et l’extrême droite nationaliste au tournant du XXe siècle (Grasset, 2015), L’État contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite (1940-1944) (édition revue et mise à jour, Flammarion/Champs histoire, 2020 [2018]), et Dénoncer les juifs sous l’Occupation. Paris, 1940-1944 (édition revue et complétée, CNRS Éditions/Biblis, 2021 [2017]). Il vient de faire paraître La Falsification de l’Histoire. Éric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs (Grasset, 2022), et achève une enquête sur la grande rafle parisienne des 16 et 17 juillet 1942.

Eric Le Bourhis

Eric Le Bourhis est historien. Il est membre du Centre de recherches Europes-Eurasie et maître de conférences en langue et civilisation lettones à l’INALCO (Paris). Ses recherches s’inscrivent dans le champ de l’histoire urbaine, au croisement avec l’histoire de la Shoah et l’histoire de l’architecture au gré des enquêtes. Il est l’auteur (2015) d’une thèse de doctorat portant sur les transformations de la ville soviétique de Riga entre 1945 et 1990, primée par le prix spécial de thèse de la Société française d’histoire urbaine (2016) et le prix de la recherche de l’Académie d’Architecture (2017). Ses travaux actuels portent sur la persécution des Juifs au quotidien sous l’occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, à Riga et dans la région parisienne.

Maël Le Noc

Maël Le Noc est un géographe dont les travaux portent principalement sur les dimensions spatiales de la Shoah. Il a obtenu un doctorat en géographie à Texas State University en Août 2021. Sa thèse explore les effets de la persécution antijuive sur la géographie quotidienne de deux quartiers Parisiens. Maël est actuellement boursier postdoctoral de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et chercheur associé à l’Institut de Sciences Sociales du Politique à l’Université Paris Nanterre. Ses recherches postdoctorales portent sur la géographie parisienne de l’après-Shoah. Il collabore avec plusieurs groupes de recherche transdisciplinaire en France et à l’international, dont le Holocaust Geographies Collaborative. Il a bénéficié de bourses du Holocaust Educational Foundation, de l’organisation Phi Kappa Phi, du Center for Advanced Genocide Studies de l’USC Shoah Foundation et du Jack, Joseph and Morton Mandel Center for Advanced Holocaust Studies de l’US Holocaust Memorial Museum.

Constance Pâris de Bollardière

Constance Pâris de Bollardière est docteure en histoire de l’EHESS (2017) et directrice adjointe du George and Irina Schaeffer Center for the Study of Genocide, Human Rights and Confliction Prevention à l’université américaine de Paris. Ses recherches d’histoire sociale et culturelle portent sur les rescapés de la Shoah. Dans sa recherche doctorale sur l’aide du Jewish Labor Committee à la reconstruction de la vie juive en France de 1944 à 1948, elle a étudié les réseaux d’entraide des associations yiddish des villes de Paris et de New York. Dans la continuité de sa thèse, elle se penche désormais plus en détail sur un des lieux emblématiques de la vie yiddish parisienne après-guerre, le « foyer des intellectuels juifs » du 9 rue Guy-Patin, dans lequel des dizaines de migrants juifs en provenance d’Europe de l’Est, dont un grand nombre d’artistes et intellectuels, développèrent un espace de vie et de création collective entre 1947 et 1950. Une seconde partie de ses recherches en cours se concentre sur les témoignages de rescapés de la Shoah, des premières écritures en yiddish aux plus récentes collections d’entretiens vidéo.

Simon Perego

Simon Perego est agrégé d’histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’INALCO (département d’études hébraïques et juives) et membre du CERMOM. Ses recherches portent sur les mémoires de la Shoah, les Juifs de France et la culture yiddish. Distinguée par le prix de thèse francophone en études juives (2017) et par le prix Henri Hertz de la Chancellerie des Universités de Paris (2018), sa recherche doctorale a été publiée chez Champ Vallon en 2020 sous le titre Pleurons-les. Les Juifs et la commémoration de la Shoah, 1944-1967. Une partie de ses travaux interroge l’inscription urbaine des pratiques mémorielles à travers l’étude des rituels commémoratifs (cérémonies, monuments, plaques) et à partir du cas parisien.

Nadège Ragaru

Nadège Ragaru est directrice de recherche et professeure à Sciences Po (CERI-CNRS) où elle enseigne, notamment, l’histoire et la mémoire de la Shoah et du communisme en Europe de l’Est. Ses recherches portent sur l’histoire, l’historiographie et la mémoire de la Shoah en Europe du sud-est, ainsi que sur les procès pour criminels de guerre à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1960 en Bulgarie et en Allemagne de l’ouest. Son ouvrage “Et les Juifs bulgares furent sauvés…” Une histoire des savoirs sur la Shoah en Bulgarie, Paris: Presses de Sciences Po, 2020, retrace sur une période de soixante-quinze ans la constitution, les reformulations et les controverses relatives à l’histoire des destinées des Juifs de Bulgarie (dans ses frontières d’avant-1941) et dans les territoires yougoslaves et grecs occupés (1941-1944). Elle travaille également sur le traitement judiciaire des crimes de guerre après 1943 à l’Est de l’Europe, sensible aux enjeux méthodologiques d’un croisement entre sources visuelles, sonores et scripturaires et a dirigé le dossier « Écritures visuelles, sonores et textuelles de la justice : une autre histoire des procès à l’Est », Cahiers du monde russe, 61/3-4, 2020, p. 275-498 dans le prolongement d’une ANR dirigée par Vanessa Voisin (Université de Bologne). Les enjeux de spatialité des persécutions anti-juives ont fait l’objet de plusieurs chantiers relatifs aux rafles et liquidations des biens juifs à Bitola (Macédoine du Nord) et Sofia (Bulgarie), ainsi qu’à la cartographie d’une archive visuelle ayant immortalisé, en 1943, les déportations depuis la Grèce du nord (à l’origine d’un article co-écrit avec le géographe Maël Le Noc, paru dans Holocaust and Genocide Studies, fin 2021). Elle a été Reid Hall Fellow à l’Université de Columbia et chercheur invité à l’Université d’Oxford.